Départs

Français

Prototype pour une pièce radiophonique à deux voix. Les textes sont issus de réécritures de matériaux générés par des modèles linguistiques neuraux, utilisant l'architecture Transformer, (notamment, entre autres, le GPT-3 d'OpenAI).

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voix 1 : Iris Colomb
voix 2 : Jérémie Wenger

(L’app ci-dessus a pu être codée gràce à p5.js.)

voix 1

Je partis de Lausanne, pour ne jamais revenir. Tu ne sauras pas où je me suis rendue. Je ne te dirai pas non plus dans quelle ville je suis morte, il y a de cela quelques années. Peut-être me chercheras-tu en vain quelque part au bord de l’océan Atlantique, dans quelque anfractuosité d’une falaise de Bretagne, au fond d’un tunnel alpin, ou à même la glace aveuglante d’une plage de Norvège… T’obstineras-tu ? Tenteras-tu ta chance sur telle île des Caraïbes où je m’étais établie quelque temps après avoir quitté Londres, ou dans l’hôtel miteux du port terrestre de Khorgas, à la frontière sino-kazakhe, où m’avait entraînée un de ces vieux rêves industriels qui m’avait tant hantée avant mes années d’exil écossaises ? Une chose est sûre, tu ne me retrouveras pas.

Le seul conseil que je peux te donner, c’est de ne rien faire, sinon de te laisser porter par le cours des choses. Quand tu entendras ces paroles, certes, un grand nombre de choses auront changé, et ce pas forcément en bien. Le monde, j’en suis sûre, aura pris un tour qui ne te plaira pas. Qui sait, le monde aura peut-être enfin atteint la crise à laquelle il avait été promis depuis si longtemps. Le connaissant, il aura même aimé être reconquis par les démons. Alors, tu pourras t’en vouloir, autant que tu le voudras, de ne pas avoir eu le courage de céder à la tentation, de ne pas avoir été plus fanatique dans ta carrière, de ne pas avoir plus légèrement, plus entièrement !, dédié ton corps et ton âme à la destruction de ce monde figé auquel tu n’as jamais cru.

Mais alors même que la crise s’aggravera, et risquera de faire basculer les sociétés industrielles dans ce que les historiens du XXIIème siècle appelleront « l’Âge des Turbulences » – à moins que, les uns à l’instar des autres, ils n’adoptent un terme convenu, genre « planétisation du chaos », pour désigner le flux naissant des siècles de répression et d’obscurantisme légal qui nous attendent – je ne m’inquiète pas. Je ne m’inquiète plus de grand chose, il est vrai, surtout depuis la perte de mes malheureux amis, tu sais bien lesquels, dont la chute, à la fin de mes années urbaines, m’a causé tant de tristesse. Mais je m’égare. Ce que je veux te dire, c’est que bien des tentatives d’agir continueront d’échouer : les tiennes, les miennes, les leurs, et je n’ai jamais été assez naïve pour croire que l’actif accru de quelques uns, et le crédit croissant de tous les autres, auraient pu changer quoi que ce soit au trou béant laissé par les déterminations de l’Histoire, ou suffiraient à sauver le monde de lui-même.

Comme par le passé, tu n’auras pas à choisir de quel côté de la guerre à venir tu te rangeras – comme jadis dans nos disputes –, ni de quel côté se penchera l’intérêt de ton cœur, comme s’il fallait toujours qu’il y eût un côté.

Pour sûr, si tu suis mes conseils, si tu guides tes pas sur la voie que je t’ai patiemment tracée, et pour autant que tu ne t’enferres pas dans l’impasse de poursuivre mon fantôme, tu n’auras pas à choisir. Tu accepteras enfin ce que tu n’as jamais voulu faire. Tu devras vivre avec tes propres idées, qui ne seront pas les miennes, même si ce sont elles qui ont créé le berceau qui les a vu naître. Tu connaîtras le devenir.

Tu te limiteras, tu y seras obligé, à maintenir une modeste neutralité, à t’abriter le plus longtemps possible dans le contrepoint rassurant de lamentations que les populations de ton esprit seront plus contraintes que jamais de gémir, l’échine pliée, les épaules rompues, l’esprit automatique. Te le reprocheras-tu sans plus finir ? Ou se seront-elles révoltées, par miracle, ces rampantes créatures de tes imaginaires totalitaires ? Je ne peux le savoir, même si je ne puis te garantir que personne ne se réveillera, en fin de compte, un jour ou l’autre, de l’engourdissement de ton monde psychique.

Si je ne me trompe, tout ce que j’ai dit dans ce message n’est à la fin des fins qu’un leurre destiné à te convaincre de détacher tes yeux des événements qui se joueront et rejoueront sous tes yeux, pour te tourner vers l’intérieur. J’anticipe que, comme toujours, tu croiras rencontrer telle femme, avec qui tu rêveras d’assouvir tel fantasme. J’approuve, tu me connais, et pourtant, c’est plus fort que moi, l’ennui me gagne. C’est dans ces moments que je te vois retourner à ta vie déjà bien établie, ou en bonne voie de l’être, à Paris, et reprendre tes vieilles habitudes.

Promets-moi juste une chose. Alors même que tu te sentiras gagné par la résignation et la dépression – ne me contredis pas, je t’en prie, je te sais l’esclave de ces sirènes –, fais-moi confiance, suis mon conseil, ne t’en fais pas, laisse-toi aller. Car ce n’est que dans ces moments-là, caressant d’un doigt moribond le fond de l’abîme, que tu auras une chance de tomber sur une des perles obscures qui brillent dans les tréfonds. Tu repenseras alors peut-être au bonheur que tu connaissais jadis dans le confort de mon inconstance, et tu pleureras enfin, après une vie de sécheresse.

§

voix 2

À l’heure du réveil, le soleil riait sans doute là-haut dans les pâturages, trop loin de nous pour qu’on y rêve. Nous, on était pris dans un violent courant d’air sulfuré, et je sentis dans mes os la même terreur indicible qu’à chaque fois, une irrépressible obscurité dans l’âme, lorsqu’un avion de chasse hurla juste au-dessus de nos têtes, condamnant la vallée voisine aux flammes d’un enfer que nous ne connaissions que trop bien.

« Supprimons par la force ces infâmes ordures qui menacent de molester la Pierre d’Unspunnen ! », tels avaient été les mots du Commandant de Corps à notre multitude, insouciant magma de troufions immobiles couvrant les plaines du Mittelland – cadavres, déjà, presque tous, même si peu d’entre nous le savaient. Lorsque Le Temps avait publié, malgré la réticence de la rédaction, et uniquement après des menaces répétées de démission en masse de la part des journalistes, des documents de l’armée contenant des plans d’éradication émanant directement du Conseil Fédéral, et adressés au général lui-même, « à faire exécuter manuellement par vos soins, en rétablissant pour son implémentation les anciens moyens de l’art abattoire », n’hésitant pas à préciser « qu’il ne fallait pas craindre les objections tracassières des cantons, ni les embûches fiscales que rencontre tout patriote dans la diligente mise en place de ces mesures », on avait poussé des cris d’orfraie comme il se doit, mais personne ne prit l’affaire réellement au sérieux.

Et alors même que la crise s’aggravait, et risquait de faire basculer les sociétés industrielles dans ce que les historiens du XXIIème siècle appelleraient « l’Âge des Turbulences » – à moins que, les uns à l’instar des autres, ils n’adoptent un terme convenu, genre « planétisation du chaos », pour désigner le flux naissant des siècles de répression et d’obscurantisme légal qui nous attendent, je ne m’inquiétai pas. Je ne m’inquiétais plus de grand chose, il est vrai. Par le passé, j’avais craint d’être impur et ridicule. Pire, j’avais été timide devant le qu’en-dira-t-on. À ma grande surprise, je ne devais pas le rester. J’avais tenté de briser ces chaînes par la seule force de ma volonté, en vain. J’avais connu ensuite le goût fade de la résignation, et m’étais persuadé que ce serait mon régime minceur pour toujours. Pourtant, depuis que l’idée de la haine s’était manifestée sur la scène du monde, et que notre pays, comme les autres d’ailleurs, n’avait plus pour seule passion, pour seule fièvre, que de trouver un moyen de passer la frontière interdite au-delà de laquelle il n’y a que l’utopie, je ne rougissais plus.

Je voyais trop où on en était pour ne pas repasser en revue mentalement, comme un mantra protecteur, les étapes de l’architecture hégélienne. Mon cœur faisait murmurer à ma bouche ces mots si gris, si abstraits, si intimes, pendant que mon esprit faisait verser à mes yeux des larmes d’espoir mêlées de sang.

Mécaniste de cœur, navré d’abord de mon étrange connivence avec les Organicistes de ma section, je ne pouvais m’empêcher de ressentir de la pitié pour mes compagnons de fortune, que je savais tout comme moi condamnés au charnier. Je réalisais lentement, malgré les bombes et le brasier, que j’étais devenu ami avec ceux que malgré tout je viendrais à appeler mes ancêtres.

Car bien que je les aie aimés ardemment, je n’aurais pu dire avoir été lié d’amitié avec eux jusque-là. Au contraire, c’était dans notre inimité même, sans nul doute le carburant de notre fascination mutuelle, que j’avais trouvé mon bonheur durant les premières années de mobilisation.

En l’an 2000, quand tout bascula, j’avais vingt-deux ans. Mon seul désir, alors, était parvenir à ce niveau supérieur d’effort, requis, me semblait-il, pour m’expliquer, pour me connaître, pour avoir foi en mes tentatives, pour vivre ! Je m’engageai dans cette entreprise sans arrière-pensées, obéissant, pour la première fois depuis l’émergence de ma conscience, plus de quinze ans auparavant, à toutes les dispositions qu’éveillait en moi la danse contre-nature de la honte et de la fierté.

Ma vie avait été lamentable, et mes buts étaient restés obstinément inenvisageables. La guerre n’était, somme toute, qu’une mésaventure de plus. Pourtant, pendant ce temps de troubles, je compris quelque chose à l’égard de l’homme que j’allais devenir – ce double énervant en qui j’allais devoir, bon gré mal gré, transmigrer.

L’attitude de mes parents vis-à-vis de moi, longtemps insondable, m’apparaissait maintenant limpide. Trop souvent, dans mon égoïsme et mon amertume, j’avais épuisé ma mère, déjà assez humiliée par les affres du travail et l’ignorance hargneuse des hommes. Même la façon dont je m’adorais moi-même, alors un obstacle insurmontable, semblait s’être purgée d’elle-même, et je remarquais avec étonnement, chaque fois que j’étais amoureux de telle femme, avec qui je rêvais d’assouvir tel fantasme, l’engouement avec lequel j’accueillais la grande influence qu’elle allait exercer sur ma vie personnelle. J’avais songé déjà à tout cela au sortir du gymnase, me demandant de plus en plus ce qui m’avait empêché de me lier avec quiconque, sans que rien ne change. Et tout à coup, tout était devenu clair, comme si ces questions n’avaient même pas existé.

J’en éprouvai presque plus que du bonheur : c’était de la joie, une joie violente, souvent incontrôlable. J’étais consumé par une soif de tous les instants. La situation était grave. J’en étais à boire du lait toutes les cinq heures, et je ne pouvais réprimer des envies de soupes chinoises instantanées. Que faire ? Ma décision fut aussi soudaine qu’irrévocable. Je sus que c’étaient eux, mes ancêtres d’élection, toujours avec moi en pensée, qui me donnèrent la force nécessaire. Je partis de Lausanne, pour ne jamais revenir.

Prototype for a two-voice radiophonic piece. The texts stem from rewritings of materials generated by neural language models, using the Transformer architecture, (among others, OpenAI's GPT-3).

LISTEN

voice 1 : Iris Colomb
voice 2 : Jérémie Wenger

(The above app has been coded thanks to p5.js).

voice 1

I left Lausanne, never to return. You won’t know where I set off to. I won’t tell you in which city I died either, only a few years ago. Perhaps you will look for me, to no avail, somewhere on the edge of the Atlantic Ocean, in some crevice of a cliff in Brittany, at the bottom of an Alpine tunnel, or on the blinding ice of a Norwegian beach… Will you persist? Will you try your luck on this or that Caribbean island where I had established myself some time after leaving London, or in the shabby hotel at the dry port of Khorgos, on the Sino-Kazakh border, where had led me one of those old industrial dreams that had haunted me so much before my Scottish exile years? One thing is for sure, you will not find me.

The only advice I can give you is to do nothing, except to let yourself be carried away by the course of things. When you hear these words, no doubt a lot of things will have changed, and not necessarily for the better. The world, I am sure, will have taken a turn that will not please you. Who knows, the world will have perhaps finally reached the crisis to which it had been promised for such a long time. Knowing it, it might even have liked being reconquered by the demons. Then, you will be able to blame yourself, as much as you want, for not having had the courage to give in to temptation, for not having been more fanatical in your career, for not to having more lightly, more fully!, dedicated your body and your soul to the destruction of this frozen world in which you never believed.

But even as the crisis worsens, and risks tipping industrial societies in what 22nd-century historians will call the “Age of Turbulence” – unless, each to all others alike, they adopt an agreed term, like “planetisation of chaos”, to designate the emerging flow of centuries of repression and legal obscurantism in store for us – I do not worry. I don’t worry about anything any more, it is true, especially since the loss of my unfortunate friends, you know well which ones, whose fall, at the end of my urban years, caused me so much sadness. But I digress. What I want to tell you is that many attempts to act will continue to fail: yours, mine, theirs, and I was never naive enough to believe that the increased assets of a few, and the growing credit of all the others, could have changed anything to the gaping hole left by the determinations of History, or would suffice to save the world from itself.

Like in the past, you won’t have to choose which side of the coming war you will align with – as in the past in our fights –, nor which side your heart’s interest will lean towards, as if there always had to be a side.

For sure, if you follow my advice, if you guide your steps on the path that I have patiently mapped out for you, and as long as you do not get stuck in the impasse of chasing my ghost, you won’t have to choose. You will finally accept what you never wanted to do. You will have to live with your own ideas, that will not be mine, even if they are the ones that created the cradle in which they were born. You will know the future.

You will limit yourself, you will have to, to maintaining a modest neutrality, to shelter yourself as long as possible in the reassuring counterpoint of laments that the populations of your mind will be more constrained than never to moan, the back bent, the shoulders broken, the mind automatic. Will you blame yourself for it to no end? Or will they have revolted, by some miracle, these crawling creatures of your totalitarian imaginations? I cannot know that, even if I cannot guarantee that no one will wake up, in the end, one day or another, from the numbness of your psychic world.

If I’m not mistaken, everything I said in this message is at the end of the day nothing but a lure intended to convince you to detach your eyes from the events that will play themselves out again and again before your eyes, in order for you to turn inwards. I anticipate that, as always, you will believe you have met this or that woman, with whom you will dream of satisfying this or that fantasy. I approve, you know me, and yet, it’s stronger than me, I am getting bored. It’s in these moments that I see you return to your already well-established life, or well on its way to being so, in Paris, and get back to your old habits.

Just promise me one thing. Even when you feel won over by resignation and depression – please don’t contradict me, I know you are a slave to these sirens –, trust me, take my advice, don’t you worry, let yourself go. Because it is only in these moments, caressing with a moribund finger the bottom of the abyss, that you will have a chance to stumble on one of those dark pearls that gleam in the depths. You will then perhaps think again about the happiness you once knew in the comfort of my fickleness, and you will finally weep, after a life of drought.

§

voice 2

At waking time, the sun was no doubt laughing up there in the pastures, too far for us to dream about. Down here, we were caught in a violent current of sulphurous air, and I felt in my bones the same indescribable terror as every time, an irrepressible darkness in the soul, when a fighter plane screamed just above our heads, condemning the neighbouring valley to the flames of a hell we knew only too well.

“Let us take out by force this despicable scum who threaten to assault the Unspunnen Stone!”, such had been the words of the Corps Commander to our multitude, a carefree magma of motionless privates covering the plains of the Mittelland – corpses already, almost all of them, although few of us knew. When Le Temps published, despite the reluctance of the editorial staff, and only after repeated threats of mass resignation from journalists, army documents containing eradication plans emanating directly from the Federal Council, and addressed to the general himself, “to be carried out manually by you, restoring for its implementation of the ancient slaughter arts techniques”, without hesitating to specify “that we should not fear the annoying objections of cantons, nor the fiscal pitfalls that every patriot encounters in the diligent implementation of these measures”, one had screamed bloody murder, as one ought to, but no one really took the matter seriously.

And even as the crisis worsened, and risked tipping the industrial societies in what 22nd-century historians would call the “Age of Turbulence” – unless, each to all other alike, they adopt an agreed term, like “planetisation of chaos”, to designate the emerging flow of centuries of repression and legal obscurantism in store for us, I did not worry. I didn’t worry about anything any more, it is true. In the past, I had feared being impure and ridiculous. Worse, I had been shy about what people would say. To my great surprise, I would not remain so. I had tried to break these chains by the sheer force of my will, but in vain. I then experienced the dull taste of resignation, and I became convinced that this would be my slimming diet forever. Yet, ever since the idea of hatred had manifested itself on the world stage, and since our country, like the others by the way, had as its only passion, its only fever, to find a way to cross the forbidden line beyond of which there is nothing but utopia, I no longer blushed.

I saw only too well where we were not to go over, once again, mentally, like a protective mantra, the stages of the Hegelian architecture. My heart had my mouth whisper these words so grey, so abstract, so intimate, while my mind made my eyes shed tears of hope drenched with blood.

Mechanist at heart, and at first sorry for my strange complicity with the Organicists in my section, I couldn’t help but feel pity for my unfortunate companions, whom I knew were, just like myself, headed for the mass grave. I slowly realised, despite the bombs and the blaze, that I had become friends with those whom, despite everything, I would come to call my ancestors.

For although I loved them ardently, I could not say that it was friendship that had united us until then. On the contrary, it was in our very enmity, undoubtedly the fuel of our mutual fascination, that I had found happiness during the first years of mobilisation.

In the year 2000, when everything changed, I was twenty-two years old. My only desire, then, was to achieve this higher level of effort required, it seemed to me, to explain myself, to know myself, to have faith in my attempts, to live! I threw myself into this enterprise without any ulterior motives, obeying, for the first time since the emergence of my consciousness, more than fifteen years before, all the dispositions aroused in me by the unnatural dance of shame and pride.

My life had been dismal, and my goals had remained stubbornly unthinkable. The war was, after all, just another misfortune. However, during this time of turmoil, I understood something about the man I was going to become – this annoying double into whom, willy-nilly, I was going to have to transmigrate.

My parents’ attitude towards me, long unfathomable, now appeared to me clear as day. All too often, in my selfishness and bitterness, I had exhausted my mother, already quite humiliated by the torments of work and the surly ignorance of men. Even the way I adored myself, then an insurmountable obstacle, seemed to have purged itself, and I noticed with astonishment, each time that I was in love with this or that woman, with whom I dreamt of satisfying this or that fantasy, the craze with which I welcomed the great influence she would have on my personal life. I had already thought about all this when leaving high school, wondering more and more what had prevented me from bonding with anyone, but that did not change anything. And suddenly everything became clear, as if these questions hadn’t even existed.

I felt something almost beyond happiness: it was joy, a violent joy, often uncontrollable. I was consumed by thirst at all times. The situation was serious. I was drinking milk every five hours, and couldn’t suppress cravings for instant Chinese soups. What was to be done? My decision was as sudden as it was irrevocable. I knew it was them, my chosen ancestors, always with me in thought, who gave me the necessary strength. I left Lausanne, never to return.